Commençons pas enfoncer une porte ouverte : votre recherche de financements doit être correctement dimensionnée et adressée aux bons financeurs en fonction de votre typologie de projet. C’est essentiel à la fois pour ne pas vous épuiser et pour ne pas vous décrédibiliser.
Le financement initial d’une entreprise peut constituer une problématique majeure, qui s’accroît du fait de la conjoncture économique dégradée de ces dernières années : ce contexte augmente le risque des financeurs, qui sont donc particulièrement frileux et sélectifs. La tâche sera encore plus ardue si vous vous lancez dans un secteur immature, dans lequel le recul est limité : vous devrez être très convaincant et maîtriser votre sujet et vos chiffres sur le bout des doigts.
La plupart des financeurs que vous rencontrerez vous demanderont votre Business Plan : il s’agit à la fois de la formalisation de votre concept, de votre modélisation économique et de vous – votre parcours personnel et professionnel, vos compétences, vos motivations et leur pertinence pour mener à bien votre projet. C’est avec ces informations qu’ils pourront évaluer sa faisabilité. Tant que vous ne disposez pas de ces documents dûment formalisés et soigneusement présentés et corrigés, ne déclenchez pas de rendez-vous, sous peine de vous discréditer.
Comment savoir à qui s’adresser ?
Vous n’irez pas à la rencontre des mêmes financeurs si vous cherchez un emprunt bancaire pour couvrir vos investissements initiaux et si vous créez une start-up dont le modèle économique ne sera viable qu’à horizon 4 ans, avec d’ici là la nécessité de financer non seulement des investissements, mais aussi le fonctionnement de l’entreprise (loyers, salaires, charges), en échange de la promesse d’un fort retour sur investissement à terme – mais avec un risque élevé d’échec également.
Inutile d’essayer de faire rentrer votre projet au chausse-pied dans la mauvaise case, ça ne tiendra pas 5 minutes et tout le monde perdra son temps :
- Vous ne convaincrez aucun business angel spécialisé dans le financement de start-ups si votre activité repose sur votre force de travail individuelle sans aucun potentiel de passage à l’échelle.
- Vous ne lèverez pas de fonds pour financer un projet dont le retour sur investissement débute au bout de 10 ans avec un rendement annuel de 2 %.
Quels sont les différents besoins de financement ?
Les besoins de financement sont de deux types :
- Les investissements
- Le BFR (Besoin en Fonds de Roulement)
Les investissements correspondent aux achats qui seront immobilisés dans votre entreprise :
- L’achat immobilier
- Les travaux
- Le matériel et les équipements
- Les logiciels et autres immobilisations immatérielles (marque, brevet…)
Ces investissements constituent le prérequis à votre exploitation et conservent une valeur sur une durée longue, ce qui explique qu’ils soient amortis sur plusieurs années comptables.
Le besoin en fonds de roulement peut quant à lui être de deux ordres :
- BFR d’amorçage : votre trésorerie ne sera négative que quelques mois, le temps de réellement démarrer votre activité ; de ce fait, la trésorerie nécessaire à l’exploitation sera de nouveau disponible dès que votre activité sera bel et bien lancée.
- BFR chronique : vous serez structurellement payé par vos clients plus tard que vous n’aurez à payer vos charges, auquel cas il faudra prévoir une solution pérenne pour couvrir ce besoin.
Il est aujourd’hui très rare de réussir à financer le besoin en fonds de roulement : bénéficier de capitaux personnels a minima de ce montant est donc devenu une condition pour pouvoir entreprendre.
Avant de débuter vos démarches, vous devez disposer d’un chiffrage précis de vos besoins de financement, à savoir le montant, l’usage qui en sera fait et les contreparties : votre échéancier de remboursement (pour les emprunts) ou de versement de dividendes (pour les levées de fonds). Vous pourrez ainsi cibler les financeurs les plus susceptibles de vous suivre.
Le financement par les acteurs de la création d’entreprise
Bpifrance, Initiative France porté par France Active ou encore le Réseau Entreprendre octroient des prêts d’honneur et des garanties aux créateurs dont les projets répondent à leurs critères d’éligibilité[ii].
Les montants proposés par ces dispositifs suffisent rarement à financer la totalité du projet, mais ils revêtent plusieurs avantages :
- Crédibilité de votre dossier face aux autres financeurs puisque le fond du dossier a été validé par une commission
- Effet de levier pour réaliser un emprunt bancaire plus important, du fait de cette confiance acquise mais aussi des garanties obtenues
- Développement de votre réseau au sein d’un écosystème stimulant et pourvoyeur de mentors et de conseils
Dans certains secteurs d’activité, il existe également des structures d’accompagnement et de financement dédiées au métier : par exemple, les futurs libraires peuvent s’adresser aux agences régionales du livre et de la lecture pour obtenir un diagnostic de leur projet et des financements. L’ordre ou le syndicat national de la profession peut être un bon point d’entrée pour identifier de telles structures.
Le financement public
La commune, la communauté de communes ou d’agglomération, le département, le parc naturel régional, la région, l’État, l’Europe… sont autant d’entités à l’origine de politiques dans lesquelles votre projet peut s’inscrire, auquel cas vous pourriez bénéficier d’une aide prenant la forme d’une subvention, d’un partenariat, de la mise à disposition d’un local, de la prise en charge de certains coûts…
Les régions lancent souvent des appels à projets – aux dotations généreuses – et auxquels vous pouvez postuler pour espérer obtenir une subvention, généralement relative aux investissements, plus rarement au fonctionnement.
Lorsqu’il s’agit de subventions d’investissement, ces dispositifs encouragent en général l’expansion d’un secteur qui converge avec les intérêts de la collectivité : c’est une incitation à l’initiative privée, qui accompagne le démarrage. Les conditions et les montants de ces subventions justifient de consacrer du temps et de l’énergie au montage d’un dossier, car ce dernier pourrait bien faire basculer la modélisation économique de votre projet du bon côté.
Quant aux subventions de fonctionnement, elles visent souvent à créer artificiellement un équilibre financier pour une activité structurellement déficitaire. Ce peut être un piège de saisir ces opportunités, car le cahier des charges est la plupart du temps très exigeant et vous oblige à mettre en place une volumétrie de services peu rentables en échange de cette subvention. Dans cette hypothèse, le jour où la subvention prend fin, au bout de 3 ans en général, le modèle n’est toujours pas rentable : soit vous avez saisi cette occasion pour générer de l’activité et vous pivotez par la suite vers d’autres services, soit c’est votre seule activité, et vous êtes alors dans une situation intenable où vous perdez de l’argent en réalisant votre activité. Vous pouvez aussi supporter des charges fixes qui ne s’arrêteront pas d’elles-mêmes à l’issue de cette période (loyer, salaires, amortissements) : il est indispensable d’exécuter des projections au-delà de la période de subvention pour vous assurer qu’elle est pertinente et positive pour votre activité.
Ne comptez pas non plus sur la prolongation de cette subvention ou l’apparition d’une nouvelle aide : la politique publique est ainsi faite qu’elle n’est jamais acquise et vous ne pouvez pas baser votre modélisation économique sur des ressources sur lesquelles vous n’avez aucun contrôle. Enfin, souvenez-vous toujours de la contrepartie invisible de ce type de montage : le devoir de réserve. Si vous vous retrouvez en désaccord avec les positions de votre financeur, vous n’aurez d’autre choix que de vous taire.
Le financement bancaire
Les établissements bancaires sont les premiers financeurs de la création d’entreprise. Ils proposent des emprunts professionnels qui couvrent généralement les acquisitions immobilières et les investissements matériels initiaux (machines, équipements, travaux).
S’il est difficile de financer le BFR, il est également rare qu’une banque vous propose des facilités de caisse, et donc un découvert autorisé sur un compte professionnel. Vous aurez alors intérêt à emprunter le plus possible lorsque vous financez vos investissements, quitte à conserver de la trésorerie personnelle pour couvrir des dépassements de coût des travaux par exemple, pour financer votre BFR ou pour pallier un report du lancement et les périodes basses d’activité.
Dans le cas de travaux importants, vous pouvez avoir intérêt à demander un différé de remboursement total ou partiel pour que vos remboursements ne commencent qu’une fois votre activité lancée. Attention, cela augmente d’autant le coût total du prêt, puisque les frais d’assurance et les intérêts courront sur toute la durée à compter du déblocage du prêt. En revanche, sachez qu’une suspension de remboursement ne pourra pas être négociée par la suite, même en cas de situation exceptionnelle : pour l’avoir vécu, après un sinistre majeur dans un local – placé en arrêté de péril par les autorités –, la banque a refusé d’attendre la prise en charge par les assurances et a maintenu les mensualités de remboursement, nous proposant pour unique solution de faire un crédit à la consommation si nous manquions de trésorerie personnelle pour renflouer la société…
En conclusion, la banque est un partenaire incontournable aussi bien au moment de votre création que durant toute la vie de votre entreprise. Il est indispensable que votre conseiller comprenne votre activité et soit à l’écoute de vos problématiques pour qu’une relation de confiance s’installe.
Le financement par des business angels ou des fonds d’investissement
Les business angels sont des investisseurs privés qui entrent au capital d’entreprises dont ils aiment le secteur et le concept et dans lesquelles ils souhaitent jouer un rôle de mentor, souvent dans des domaines innovants. Ils prennent des risques et veulent donc un retour sur investissement conséquent. De ce fait, ce modèle s’adresse plus particulièrement aux start-ups.
Les fonds d’investissement fonctionnent sur des bases proches de celles des business angels, mais s’engagent moins à l’affect qu’aux vues des perspectives de rentabilité. Ils souhaiteront moins s’impliquer dans l’entreprise, mais demanderont des comptes en cas d’écart par rapport au prévisionnel. Ils ne participent qu’aux levées de fonds de plusieurs millions d’euros.
Contrairement à un financement par l’emprunt, le recours aux business angels et aux fonds d’investissement induit la cession de parts et donc la dilution de votre capital. Vous devez être attentif au pourcentage de parts que vous donnez, mais aussi aux droits de vote associés : il est toujours utile de conserver une majorité de droits de vote pour rester maître à bord, mais cela n’est pas toujours possible.
Le financement participatif
Le financement participatif, aussi appelé crowdfunding, consiste à solliciter le grand public via une plateforme en ligne, pour que des particuliers soutiennent financièrement votre projet en échange d’une contrepartie dont la valeur peut être intrinsèque ou symbolique. C’est le cumul d’une multitude de petites contributions qui conduit à l’atteinte de votre objectif. Si le premier palier défini n’est pas atteint, la campagne échoue et les contributeurs sont automatiquement remboursés. En cas d’atteinte, la campagne se poursuit sur la durée programmée par le porteur de projet, qui essaie de déclencher chacun des paliers suivants s’il en a établis – la campagne peut néanmoins continuer si l’unique palier a été dépassé, auquel cas elle affichera une atteinte supérieure à 100 % et le total collecté sera mis à la disposition du porteur de projet, sans plafonnement, après déduction d’une commission de la plateforme.
Cette forme de don est la plus classique du crowdfunding, mais certaines plateformes proposent des formules de prêt ou d’investissement, qui se rapprochent alors du microcrédit ou de mini business angels.
Le crowdfunding est particulièrement pertinent pour les projets de l’ESS qui peuvent susciter un engouement moral et citoyen, les projets culturels et artistiques qui se prêtent très bien à la précommande et les projets de commerce ou de services de proximité qui peuvent obtenir un soutien ultra local de la population si elle attend l’arrivée de cette prestation.
Sauf cas particulier de success-story, le crowdfunding n’est pas un véritable moyen de financement. Il s’apparente plutôt à un outil de communication et de fédération d’une communauté autour d’un projet. Il n’est pas rare qu’un porteur de projet rajoute une certaine somme juste avant l’expiration de son projet pour atteindre le premier palier, auquel cas l’opération est peu concluante financièrement au vu de la commission prélevée par la plateforme de crowdfunding sur le montant collecté.
En effet, il est très difficile de mobiliser le public au-delà de nos cercles amicaux pour recueillir des sommes conséquentes. Seuls les projets portés par des personnes influentes ou bénéficiant d’un relais médiatique émergeront au milieu des centaines de projets affichés sur les plateformes.
Pour autant, je vous encourage à lancer une campagne de crowdfunding pour plusieurs raisons :
- C’est un bon exercice de communication, vous devez présenter votre projet avec clarté et d’une manière attirante, en fixant des objectifs de financement concrets et positifs pour les participants. Si votre présentation n’est pas optimale, vous le saurez rapidement, car la plateforme sur laquelle vous lancez votre campagne la refusera. Rien de mieux que de consulter les projets créés sur ces plateformes pour observer ceux qui ont atteint leurs objectifs et ceux pour qui ce n’est pas le cas et d’essayer de comprendre pourquoi.
- Une telle campagne donne de la visibilité à votre projet, vous permet d’identifier des soutiens et des ambassadeurs et peut même vous ouvrir les portes de certains médias locaux qui auraient envie de relayer votre initiative : n’hésitez pas à les contacter par mail ou via LinkedIn en joignant un court communiqué de presse et des visuels qualitatifs.
- C’est un excellent moyen de tester votre marché voire de préfinancer votre production, en lançant des précommandes à un tarif attractif qui constitueraient ainsi certaines contreparties.
Votre apport personnel
Vous devez prouver votre engagement dans ce projet en injectant un apport personnel significatif ou de la love money, à savoir de l’argent amené par vos proches : eh oui, on ne prête qu’aux riches ! Je ne peux pas vous dire le contraire.
Même les programmes destinés à accompagner les plus modestes sont mis en œuvre de telle sorte qu’ils sont réservés à ceux qui disposent de ressources.
Un exemple ? Les appels à projets permettent de bénéficier d’une subvention pour couvrir une partie des investissements de lancement et c’est super. Néanmoins, vous touchez seulement un (petit) acompte au moment de l’annonce officielle, puis il vous faut avancer toute la somme à investir et demander le remboursement sur la base de factures déjà acquittées… et compter ensuite plusieurs mois pour recevoir le paiement. Autant vous dire que si vous n’avez pas les reins solides, si vous n’êtes pas bien entouré, vous aurez fait banqueroute avant d’avoir obtenu le solde.Vous pouvez aussi faire le choix d’un autofinancement total – encore faut-il en être capable – pour des raisons d’indépendance ou parce qu’aucun financeur n’est prêt à vous suivre.
[i] https://francetierslieux.fr/wp-content/uploads/2024/07/guide-maitrise-fonciere.pdf > Ce guide créé pour les tiers-lieux peut être utile dans toute analyse foncière, et plus particulièrement pour les structures de l’ESS.
[ii] https://bpifrance-creation.fr/encyclopedie/financements/financement-fonds-propres/pret-dhonneur
Cet article est un extrait de mon guide « Prêt à entreprendre ? Suivez le guide ! », l’outil idéal si vous êtes sur le point de créer votre entreprise ou si vous vous êtes lancé récemment.
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