Accueil

Revue de presse

Boutique

Construisez une modélisation économique… réaliste !

par Blandine Cain

La modélisation économique est l’un des éléments constitutifs du fameux Business Plan. Elle a deux raisons d’être principales : la première est de formaliser un prévisionnel financier qui démontrera la viabilité de votre entreprise et la seconde est d’en faire un outil de pilotage et d’aide à la décision. Je vais vous expliquer de quelle manière.

La modélisation économique se décompose en de multiples étapes assez techniques. Même si vous faites appel à un expert pour construire votre modélisation économique, il est néanmoins intéressant de parcourir cet article pour vous familiariser avec la terminologie et le processus global : ce sera à vous de présenter le livrable finalisé si vous sollicitez un prêt bancaire par exemple, alors mieux vaut comprendre a minima comment cela fonctionne.

L’outil

Tout d’abord, il faut choisir un outil transparent, pour vous permettre de comprendre les effets de chaque donnée que vous y entrez, et agile, pour vous permettre de faire varier facilement les hypothèses et ainsi aboutir à plusieurs scénarios.

Pour ce faire, sauf si vous êtes accompagné par un expert qui met à votre disposition un logiciel spécifique, je vous recommande d’utiliser un tableur comme Excel, qui a pour avantages d’être totalement personnalisable à la fois en termes de contenu et de format, d’être facile à prendre en main avec des formules accessibles et de permettre la création de plusieurs onglets et versions afin de comparer aisément les divers scénarios. Attention à automatiser l’ensemble des calculs en chaîne et d’intégrer des contrôles de cohérence pour ne pas aboutir à des résultats erronés.

La grille tarifaire

Afin d’estimer le chiffre d’affaires généré par vos ventes, vous devrez définir de façon détaillée votre grille tarifaire, produit par produit, service par service. Dans certaines activités comme le conseil ou le coaching, vous établirez souvent des propositions commerciales personnalisées en fonction des besoins de vos clients : il est néanmoins indispensable de définir une grille qui intègre votre fourchette de prix, par exemple un forfait journée et un nombre de journées de travail par bouquet de services.

Cette étape n’a rien de simple : notre rapport à l’argent et nos croyances limitantes influent considérablement sur notre manière d’appréhender ce sujet.

Pour objectiver votre réflexion, vous pouvez commencer par recenser les tarifs appliqués par vos concurrents. En fonction de votre positionnement par rapport à la concurrence et de votre rapport qualité-prix, cela induira une pondération de vos hypothèses de vente, que nous verrons juste après. Attention : le dumping, qui consiste à se positionner à un prix inférieur à celui des concurrents à prestations égales, a des impacts négatifs car il peut disqualifier votre produit ou service dans l’esprit des consommateurs, vous amener à vendre à perte ou avec une marge insuffisante pour que votre activité soit viable et peut déstabiliser le marché. Il faut donc en user avec discernement.

Enfin, il faut résister à la tentation de proposer des prestations gratuites ou fortement remisées pour se faire connaître ou trouver ses premiers clients, car cela créera un référentiel pour vos clients et vous aurez ensuite toutes les peines du monde à augmenter vos tarifs. Ne cédez pas aux sirènes du syndrome de l’imposteur…

Les hypothèses de vente

Pour déterminer des hypothèses les plus justes possible, basez-vous sur les résultats de votre étude de marché (si vous n’en avez pas faite, la tâche s’avèrera ardue car vous n’aurez aucune idée de la taille de votre marché : clientèle et concurrence).

En complément du positionnement de votre grille tarifaire que nous venons de voir, vous devrez pondérer vos hypothèses en tenant compte de la montée de charge de votre activité, de sa saisonnalité et de la part de temps facturable. D’autres facteurs pourraient être pris en compte en fonction de votre activité.

Le compte de résultat

C’est le principal document observé à la loupe par les financeurs. Il présente, sous la forme d’un tableau plus ou moins synthétique établi sur 3 à 5 ans, les charges d’exploitation, le chiffre d’affaires, les produits et charges financiers, les amortissements, l’impôt société et par voie de conséquence, le résultat annuel net.

Détailler ce tableau et savoir exactement pour quelle raison tel chiffre apparaît sur chaque ligne est indispensable pour votre propre visibilité et pour rassurer vos investisseurs, qui vous demanderont probablement des explications lors de sa présentation.

Les charges d’exploitation se décomposent en charges fixes et en charges variables.

Le chiffre d’affaires est directement lié au croisement entre vos hypothèses précédentes, à savoir votre grille tarifaire et le volume de ventes pondéré.

Les charges d’exploitation sont défalquées du chiffre d’affaires pour obtenir le résultat d’exploitation.

Viennent ensuite les produits et charges financiers et les produits et charges exceptionnels (par définition, vous ne pourrez pas les prévoir dans votre Business Plan).

Enfin, les amortissements correspondent au lissage comptable de vos investissements — et de vos subventions d’investissement le cas échéant — sur plusieurs années.

L’impôt sur les sociétés est calculé sur la base de votre résultat d’exploitation et de votre résultat financier (et à terme, de votre résultat exceptionnel le cas échéant), dont on déduit les amortissements de l’année. C’est sur cette base que votre impôt société est calculé : son pourcentage variera selon le montant du résultat.

Une fois l’impôt société déduit, vous obtiendrez votre résultat net annuel.

Vous noterez que l’une des principales variables d’ajustement du Business Plan est votre rémunération : vous pouvez en effet utiliser ce levier, dès lors que son niveau reste compatible avec votre situation personnelle. À noter que vous pouvez prendre des hypothèses de rémunération basses — correspondant au minimum requis par rapport à vos charges personnelles — et ajuster votre rémunération réelle avant la fin de votre exercice comptable, lorsque vous aurez une idée plus précise de votre atterrissage. Gardez également en tête que vous pouvez compléter votre rémunération en vous versant des dividendes à l’issue de la clôture comptable, sur la base des bénéfices réalisés.

Si, à terme, vous pouvez vous verser une rémunération telle que vous en venez à vous demander comment payer moins d’impôts, soyez très vigilant quant aux solutions envisagées et aux risques inhérents, lisez bien les petites lignes, en particulier les frais d’entrée et les conditions de sortie.

Le tableau de trésorerie

Le résultat comptable n’est pas identique au solde de trésorerie : l’écart entre les deux s’explique par les amortissements, les remboursements d’emprunt et les délais de paiement des charges et des revenus.

En parallèle du calcul de votre rentabilité, il est donc nécessaire de vous assurer que votre trésorerie restera positive à tout moment : contrairement au compte de résultat qui peut être négatif en milieu d’année et redevenir positif en fin d’année sans que cela n’ait de conséquence, une trésorerie négative équivaudrait à un compte bancaire dans le rouge et c’est un engrenage qu’il faut éviter à tout prix.

Pour ne pas se retrouver dans cette situation, il faut mesurer votre BFR (Besoin en Fonds de Roulement).

Le plan de financement

Le plan de financement intègrera :

  • Vos besoins de financement, à savoir vos investissements et votre BFR
  • Vos ressources, à savoir votre apport personnel et les différentes sources de financement prévues

Votre plan de financement doit être à l’équilibre. Les intérêts des emprunts apparaîtront en charges financières dans votre compte de résultat et l’échéancier de remboursement apparaîtra dans le tableau de trésorerie.

L’analyse

L’usage veut que soient présentés, de façon un peu caricaturale, 3 scénarios, pessimiste, réaliste et optimiste. Sachez que vos partenaires financiers regarderont avec attention les scénarios pessimiste et réaliste, et beaucoup moins le plus optimiste.

Pour aboutir à une modélisation économique crédible, il faudra vous assurer, dans chacun de vos scénarios, que les ventes prévues, ramenées à la journée, par exemple, n’excèdent pas vos capacités de production, d’exécution ou d’accueil, car dans le cas contraire, votre projection ne serait que purement théorique et irréalisable.

Vérifiez par ailleurs que votre nombre annuel de jours d’activité prévoit des congés suffisants pour tenir la distance. J’ai vu des Business Plans prévoyant 260 jours d’exploitation par an, soit uniquement des week-ends et aucune période de vacances. C’est intenable si vous entreprenez seul : si vous êtes obligé de présenter de telles hypothèses pour que votre activité soit viable, c’est qu’elle ne l’est pas.

Petit bémol à toute cette littérature chiffrée : il est très facile de modifier les hypothèses sources pour faire varier de façon majeure le résultat. Imaginez si vous transformez vos 33% de conversion de prospects la première année en 66% : votre résultat va exploser, de manière totalement artificielle. Si vous êtes convaincu de cette hypothèse et convainquant face à vos interlocuteurs, ça pourrait marcher. Vous pourrez ainsi faire dire à peu près n’importe quoi à votre Business Plan.

Revenons aux missions premières de la modélisation économique :

  • Démontrer la viabilité de votre entreprise

Vous avez tout intérêt à présenter un Business Plan honnête. D’abord, parce que vous serez le premier impacté par un modèle qui ne fonctionnerait pas. Si votre compte de résultat, en y appliquant les hypothèses qui vous semblent les plus sincères, aboutit à un résultat net durablement négatif, cela veut dire que vous devez réétudier votre concept, pour votre propre bien. Même si ce n’est pas votre argent qui est investi, n’oubliez pas les garanties éventuelles que vous engagerez et surtout, le temps et l’énergie que vous déploierez pour lancer votre entreprise. Cela vaut-il le coup si vous savez déjà que c’est voué à l’échec ? Il existe pourtant parfois des solutions pour rendre viable un projet qui ne l’était pas au départ… Parlons-en !

Si vous avez déjà débuté votre modélisation économique, je vous invite à vous assurer que vous avez balayé l’ensemble des composantes décrites ci-dessus, puis à reprendre vos principaux chiffres pour vous questionner ligne par ligne : tout ce qui vous semble difficile à justifier doit être revu, même si cela ne vous arrange pas.

  • En faire un outil de pilotage et d’aide à la décision

Une fois votre modélisation économique finalisée, vous n’aurez qu’à l’envisager comme un outil récurrent pour en faire votre tableau de bord : chaque période fera l’objet de la fixation d’objectifs spécifiques et d’un suivi financier propre.

Si vous n’atteignez pas vos objectifs, prenez le temps d’en analyser les causes et définissez des actions que vous pourrez mener dans l’année à venir pour améliorer vos performances. Si vos chiffres réels sont conformes à votre prévisionnel, voyez si vous souhaitez maintenir votre prévisionnel pour l’année suivante ou l’ajuster. Car oui, j’oubliais : vous n’êtes pas obligé de rechercher une croissance éternelle. Si vous pensez avoir trouvé le bon équilibre — vous êtes épanoui, votre rythme et le contenu de votre travail vous conviennent, vos revenus vous satisfont —, vous pouvez très bien décider de maintenir ce rythme à l’avenir. La pérennité de votre entreprise est bien plus importante que sa croissance, sauf si vous en avez fait un objectif en soi. Sur ce point, certains ne seront pas d’accords avec moi 😉

Lorsque vous avez une décision importante à prendre, cet outil de modélisation économique pourra également vous servir de support pour tester le déploiement d’une nouvelle offre ou l’impact d’un changement (de tarif, d’organisation) en estimant ses conséquences financières de manière quasiment automatique.

Disposer d’un tel outil a été mon super pouvoir lorsque j’ai dû prendre des décisions stratégiques au sein de mon espace de coworking. Il m’a évité de gros loupés et m’a permis de conforter mes intuitions. Mais chacun trouvera sa propre méthode !

Après cette lecture, vous avez (presque) toutes les clés pour construire une modélisation économique aboutie ! Si vous vous sentez complètement largué, je vous invite à faire appel à un expert-comptable ou à un consultant expérimenté dans ce domaine (moi, par exemple ;-)) pour vous aider à préparer ce document clé, qui vous accompagnera tout au long de la vie de votre projet.

Cet article est un extrait de mon guide « Prêt à entreprendre ? Suivez le guide ! », l’outil idéal si vous êtes sur le point de créer votre entreprise ou si vous vous êtes lancé récemment.


Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Découvrez tous les articles déjà publiés :